CRÉATIVITÉ ART-SCIENCE : UNE RECRÉATION DU SYMBOLISME
Edwige ARMAND est artiste et Maître de Conférences en Art Numérique à l’Université Gustave Eiffel et est rattachée au laboratoire LISAA. Passionnée par l’histoire des sciences et de l’art, la philosophie, elle allie ces différents champs disciplinaires articulés autour de la question des techniques et des sciences. Les modifications du rapport au réel, à la subjectivité et au corps par les techniques et les sciences sont des axes centraux dans sa recherche-création. La transversalité disciplinaire lui permet d’interroger plus largement les processus de création et les transformations des représentations que participent à véhiculer les arts. Pour raviver la dynamique des relations art-science, elle a co-fondé et préside depuis 2016 l’association Passerelle Art-Science-Technologie qui œuvre dans le rapprochement de ces disciplines et elle est impliquée également dans la Transversale des Réseaux Arts Sciences (TRAS). Don FORESTA est un artiste chercheur et un théoricien des arts utilisant les nouvelles technologies comme outils de création. Spécialisé en art et science, son principal ouvrage dans ce domaine « Mondes Multiples » a été publié à la fin des années 80 (cf. Antrepeaux 2020). Il a été professeur à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD) et à l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris/Cergy (EnsaPC) et boursier de recherche (Research fellow) à la London School of Economics (LSE). Il a passé 40 ans à transformer le réseau en tant qu’outil artistique et travaille aujourd’hui à la création d’un réseau permanent haut-débit, MARCEL, dédié à l’expérimentation artistique, scientifique, éducative et culturelle. Il a initié ce projet alors qu’il était artiste/professeur en résidence au Studio d’Art Contemporain au Fresnoy, à Lille et à Londres avec un fellowship dans les arts de performance de l’Arts and Humanities Research Council. En 1981, il a réalisé son premier échange en ligne entre le Center for Advanced Visual Studies du MIT et l’American Center à Paris où il était directeur du programme Media Art. En 1986, Commissaire de la 42e Biennale de Venise, il y a réalisé le premier réseau d’ordinateurs utilisé par les artistes. Docteur en Sciences de l’Information de la Sorbonne, il a été nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par le Ministère de la Culture et possède la double nationalité américaine et française. Don Foresta est également membre d’un groupe de réflexion, Gramhona, au Collège de France. Nos deux auteurs approfondissent dans cet article l’étude de la relation art et science dans une optique de recherche-création et du changement paradigmatique auquel nous assistons aujourd’hui quant à la transversalité et la fécondité des rapports entre ces deux disciplines réputées opposées. Ainsi, pour eux « la créativité résulte d’une crise de la perception, lorsque nous ne disposons pas des éléments intellectuels nécessaires pour comprendre ce que nous percevons ». Nous sommes obligés, en concluent-ils, d’inventer à partir des informations que nous avons stockées, consciemment ou inconsciemment, lorsque nous sommes confrontés à de nouvelles situations dans notre environnement afin d’y survivre. Ce processus est très ancien, il a probablement toujours fait partie du genre homo depuis ses premières racines et a évolué vers ce que nous comprenons aujourd’hui comme la pensée symbolique. Ce changement fondamental de perception a été à l’origine de la Renaissance du XVe siècle et est encore opérationnel aujourd’hui, alors que nous sommes confrontés à des changements qui nous obligent à remettre en question le paradigme mécanique de la Renaissance et à inventer le paradigme de notre époque. Ce changement a été préfiguré par l’invention artistique des 150 dernières années et laisse entrevoir de nouvelles façons de voir et de comprendre notre monde.
Augustin BERQUE (1942-), géographe français, est directeur d’études à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales, Paris) à la retraite. Membre de l’Academia europaea et membre honoraire de l’EAJS (European Association for Japanese Studies), il a été en 2009 le premier occidental à recevoir le Grand Prix de Fukuoka pour les cultures asiatiques (福岡アジア文化賞大賞). Pour sa contribution à la mésologie dans le sillage de l’Umweltlehre d’Uexküll et du fûdogaku de Watsuji, il a également reçu en 2018 le prix international Cosmos. Parmi ses ouvrages : Thinking through landscape, trad. par A.-M. Feenberg, Abingdon-on-Thames : Routledge, 2015 (La Pensée paysagère, 2015; 1ère éd. 2008), Écoumène, Introduction à l’étude des milieux humains, Belin 2016 ; Dryades et ptérodactyles de la Haute Lande. Dessins et légendes, Paris, Editions du Non-Agir, 2021 ; Mésologie urbaine, Terres Urbaines, 2021 ; Recouvrance. Retour à la terre et cosmicité en Asie orientale, Bastia, Eoliennes, 2022, Fûdo, le milieu humain de Tetsurô Watsuji, couverture et traduction, Editions CNRS, 2023. Augustin Berque, dont nombre d’entre nous ont suivi les passionnants séminaires de l’EHESS sur la mésologie, nous fait l’honneur de publier ce texte inédit dans Plastir. Il est suivi en annexe d’un texte en anglais issu d’un livre collectif à paraître dirigé par Hans Peter Liederbach qui présente les liens et contradictions entre Fûdo et Edo dans la lignée nippone de Watsuji et son ‘onticité’. L’auteur résume ce texte puissant et exigeant sur l’écoumène ou le milieu humain en ces termes : « Les échelles de l’écoumène, ce sont les opérateurs existentiels – les « en-tant-que » – qui font que les données objectives de l’environnement brut (l’Umgebung), ek-sistant (trajectant) hors de la gangue de leur en-soi (S), sont historiquement prédiquées en S/P (S en tant que P), i.e. saisies et qualifiées en tant que quelque chose par une certaine société, ce qui en fait des qualia : les en-tant-que-quoi concrétisant un certain milieu : l’Umwelt singulière propre à cette société-là. Analogue à une oeuvre d’art, cette trajection de l’environnement (S) en milieu (S/P) est une mise en œuvre (ἐνέργεια) de la puissance d’exister générale (δύναμις) de S en choses particulières (S/P), œuvre dont les qualia sont par essence irréductibles au « combien ? – combien de pièces, pour combien d’argent ? – » du produit industriel. C’est pourquoi le « règne de la quantité » (Guénon), indissociable de l’industrialité moderne, mine l’habitabilité de la Terre ».
LES VOYAGES DANS LE TEMPS : UNE MÉTAPHORE ARTISTIQUE DE LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE
Lorraine ALEXANDRE est artiste plasticienne et chercheuse. Docteur en art et sciences de l’art mention arts plastiques, sa thèse, soutenue en 2008, s’intitulait : Persona – La pratique des apparences comme acte de création. Spécialisée en photographie performative, elle interroge les modes de mises en scène et de réappropriations formelles du corps dans l’ensemble des arts. Elle publie en 2011 son livre « Les enjeux du portrait en art – Étude des rapports modèle, portraitiste, spectateur » chez L’Harmattan, collection Champs visuels, série Théories de l’image / Images de la théorie. Elle expose en tant qu’artiste et contribue à des publications collectives régulièrement. Dans cet essai, elle nous fait pénétrer dans l’intimité de son travail artistique, ses questionnements, les réponses qu’elle y apporte, ses cheminements oniriques : plus qu’une démarche, un parcours initiatique à découvrir : « En 2017, je conçois une série de photographies performatives intégrant des dessins et du texte sur le thème des voyages dans le temps. Prenant le parti-pris du rêve et du fantasme assumés, ma série prend une forme simple, épurée et non réaliste. Elle pose la question du voyage dans le temps sous son angle artistique. Ce texte analyse les enjeux des valeurs onirique, plastique et narratives – sous la forme d’une biographie imaginaire – de tels voyages. Nous analyserons comment ces mises en scène développent une réflexion sur notre héritage et la façon dont nous nous le réapproprions afin de définir notre identité à travers l’imaginaire. Au-delà de l’autoportrait fictionnel qu’ils dessinent, Les Voyages dans le temps invitent les spectateurs à les prolonger en y projetant leur propre imaginaire. Ils développent ainsi une réflexion sur leur rapport au passé et à l’influence plus ou moins consciente qu’il a sur nous tous. Je propose de voyager à travers cette série en analysant les voyages dans le temps comme mode d’interrogation sur notre identité. » Plus d’infos sur le site de l’autrice.
L’IMMATÉRIALITÉ EN MATHÉMATIQUES ET EN PHILOSOPHIE
Bernard TROUDE est ingénieur en architecture industrielle et en design produit : une expérience artistique et une évolution technologique et technique importante en continu (CNAM Paris). Docteur en sciences de l’art et matériologies, et en philosophie des sciences sociales (Panthéon Sorbonne et Descartes Paris V), il est actuellement chercheur en sciences de fin de vie et en éthique médicale à l’hôpital touchant à différents domaines des neurosciences, de la physiologie et de la psychologie (intuition, perception, compréhension). Il intervient régulièrement à l’international: Angleterre, Italie, Tunisie, Maroc, USA (Professeur, Conférencier) et publie régulièrement dans Plastir (PSA Editeur), chez Elsevier-Masson, dans les revues M@gm@ International (Italie) et TAKTIK (Tunisie). L’auteur, qui a abordé dans Plastir à plusieurs reprises le sujet des relations entre philosophie et mathématiques (cf. Plastir n°59, N°63, N°65 (06/2022) souligne dans cette nouvelle contribution que développer ces sujets implique de souligner plusieurs dimensions : il s’agit d’engager une réflexion théorique, éthique fondamentale, philosophique, sociologique, anthropologique et surtout scientifique mathématique. Développer ces sujets implique de souligner plusieurs dimensions : il s’agit d’engager une réflexion théorique, éthique fondamentale, philosophique, sociologique, anthropologique et surtout scientifique mathématique. Positivement, cet entendement, certes difficile à entendre ne nuit pas au perfectionnement de la compréhension : il existe d’incontestables idées primitives qui laissent toujours quelques nébuleuses dans les réflexivités de nos cerveaux. Verrons-nous des projets élaborés pour des recommandations sur les bonnes pratiques éthiques ? Encore cette fois, l’immatérialité domine le sujet de la chose exprimée et de son espace-temps. Si les exemples apportés sont à considérer, nous avons à percevoir qu’effectivement la plupart du temps les lettres isolées et les chiffres détachés vont transmettre et exposer quelque chose et que les termes formés avec ces signes possèdent en outre une acception qu’on ne connaît pas forcément ou pas totalement. Après avoir passé les stades de la « logique cartésienne » et de la « construction grammaticale », la sociologie d’une recherche est prête aujourd’hui à assumer un stade « atticisme ou rhétorique ». Elle reconquerrait ainsi le trivium des abnégations abandonné derrière elle avec sa croissance « positive » tout en étant « critique », en renouvelant au passage réflexivement sa perspective dialectique de disposition sûrement cadrée et adaptée au sein du Monde contemporain de la correspondance, de l’information, d’une révélation accentuée de l’immatérialité appropriée aux chiffres et nombres dédiés et aux aléas de la philosophie appliquée aux sciences et techniques.