DU CONFLIT À LA NÉGATION DANS ET PAR L’IMAGE
Maria Giulia DONDERO est directrice de recherches du Fonds National de la Recherche Scientifique (F.R.S.-FNRS) et enseigne la sémiotique visuelle à l’Université de Liège. Elle est l’auteure de quatre ouvrages : Les Langages de l’image. De la peinture aux Big Visual Data (Hermann, Paris, 2020), dont une version augmentée a été publiée sous le titre de The Language of Images. The Forms and the Forces, Springer, 2020, Des images à problèmes. Le sens du visuel à l’épreuve de l’image scientifique (avec J. Fontanille, Pulim, 2012 (trad. angl : The Semiotic Challenge of Scientific Images. A Test Case for Visual Meaning, Legas Publishing, 2014) ; Sémiotique de la photographie (avec P. Basso Fossali, Pulim, 2011) et Le sacré dans l’image photographique. Études sémiotiques (Hermès, 2009). Co-fondatrice et directrice de la revue Signata, elle a été Visiting Professor dans plusieurs universités dont l’UNESP (São Paulo), l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) à Mexico, l’université Panthéon-Assas, Paris II et au Celsa Sorbonne Université. Elle est également Secrétaire Générale de l’International Association for Visual Semiotics (IAVS) depuis 2015 et vice-Présidente de l’Association Française de Sémiotique (AFS). Vous retrouverez ses nombreuses publications sur le site du FNRS: https://frs-fnrs.academia.edu/MariaGiuliaDondero. Nous présentons dans ce numéro de PLASTIR les bonnes feuilles de son ouvrage sur les langages de l’image qui aborde le sujet de fond, à savoir que le langage des images traite de deux questions fondamentales sur la sémiotique de l’image. La première est la relation entre l’image et l’observateur, son regard propre, qui est traitée en transposant au domaine visuel la théorie de l’énonciation formulée en linguistique et en se basant sur les acquis de la sémiotique visuelle de Barthes et de Benveniste. La seconde question concerne le rapport entre les forces, les formes et la matérialité des images. Elle se demande comment les différents supports physiques (picturaux, photographiques et numériques) influencent les formes visuelles et comment la matérialité affecte la générativité des formes. Les théories citées dans Les langages de l’image sont testées sur une variété de corpus d’analyse, comprenant à la fois des peintures et des photographies, provenant de sources traditionnelles et contemporaines dans divers secteurs sociaux (art, science, publicité). Une approche où l’analyse sémiotique sera confrontée à l’analyse quantitative automatique de très grandes collections d’images, telles que les analyses de « Media Visualization » proposées par Lev Manovich dans le domaine de l’informatique pour évaluer l’impact de l’analyse computationnelle des formes visuelles.
Isabelle ELIZÉON est chercheuse en sciences de l’art, en arts de la scène, en transdisciplinarité et arts-sciences, dramaturge et metteuse en scène. Cofondatrice du laboratoire TranSborder, elle est chargée de cours en arts du spectacle et en sciences de l’éducation à l’Université Catholique de l’Ouest (UCO) à Angers et Brest. Chercheuse associée au LLCP (Paris 8) et à l’HCTI (UBO), elle est membre du CIRET et mène également une recherche sur la danse du chorégraphe Bernardo Montet, soutenue par le CND (Centre National de la Danse). Fabien RIERA, également cofondateur du laboratoire TranSborder est anthropologue, chercheur en sciences de la soutenabilité, transdisciplinarité et arts-sciences. Il est membre actif du CIRET et chercheur associé au HCTI où il est chargé de cours à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) en Anthropologie de l’art et Recherche-création en Art et Anthropocène. Il est par ailleurs consultant-formateur en développement stratégique dans les domaines du social/médico-social et de la gestion durable des socio-écosystèmes littoraux. Dans le précédent numéro de PLASTIR (N°62, 09/2012), Isabelle Elizéon a abordé les écritures de la multiplicité dans une optique poïétique transdisciplinaire. Ici, elle nous présente une recherche conjointe approfondie menée en binôme avec Fabien Riera au sein du laboratoire TransBorder sur la nature des milieux dont les principaux axes de recherche et le processus d’élaboration transdisciplinaire sont déclinés pas à pas. Il s’agit pour les auteurs de mettre en évidence, rendre visibles et intelligibles les principaux enjeux d’hybridation et de métissage qui président à l’élaboration d’une méthodologie ouverte et adaptative comme clé de voûte de leur démarche. Leur objectif commun étant, in fine, de rendre manifeste et d’éprouver la complexité des liens et les dynamiques de relations qui régissent et racontent la multiplicité des milieux au travers de trois concepts clés : la Géopoétique, la Biopoétique et l’Anthropoétique.
Bernard TROUDE est sociologue, PhD en Sciences de l’Art de Université Paris I et chercheur dans plusieurs laboratoires de l’université de la Sorbonne Descartes Paris V dont le CEAQ, ingénieur généraliste, professeur en sciences du Design et Esthétique industrielle, co-directeur de « Re-penser l’ordinaire ». Il publie régulièrement dans différentes revues comme Ganymède, Cahiers de l’idiotie (Montréal), Cahiers européens de l’imaginaire, Arts et Sciences et Plastir. Il a récemment rejoint le laboratoire Universitaire de Sciences Cognitives de San Francisco où il contribue à la Revue Médicale Généraliste de Normal (ville proche de Chicago, USA) qui rassemble toutes les éditions universitaires médicales, dont Ethic, Medecine & Public Health. Poursuivant ses investigations sur la pensée et le symbolisme du chiffre 2 dont il a décrit finement les rouages en trois volets dans Plastir : « Symbolisme et différence du chiffre deux » dans Plastir 59, 12/2020, « Quand le chiffre deux(2) est un aléa » dans Plastir 55, 09/2019 et le premier dans Plastir 51, 09/2018, Bernard Troude nous entraîne ici dans l’exploration et les utilisations de l’erreur. Il la résume ainsi : « Bien entendu les deux erreurs les plus connues sont la juridique et la médicale, chacune comportant une zone floue intermédiaire dans l’évaluation de sa crédibilité. Il est clair et absolu que ce sont les maîtres à penser qui décident et les experts ne sont chargés que de la fourniture d’éléments aussi objectifs que possible afin de préciser l’orientation d’une décision à prendre. A ce sujet, des textes où d’autres erreurs appartiennent aux domaines scientifiques comme celles d’Einstein qui, comme beaucoup de scientifiques, en obtenait la publication. Cependant pour certains, les erreurs deviennent substantielles et cruciales car elles instruisent sur une évolution comme la réflexion y afférente qui parallèlement ouvrent sur la voie d’un concept scientifique différent. Les erreurs des scientifiques placent finalement en un éclairage nouveau les incitations que présentent des recherches. Les limites de la compréhension étant à ce point repoussées, il est difficile d’appréhender la situation si les vues de l’esprit écrites sur le papier, l’introduction se fait maintenant en une chaine numérique d’intelligence artificielle. Descartes lui-même fait partie de ces auteurs ayant basé des études sur des erreurs en les rendant plausibles et surtout exprimées dans le vrai. Jacques Blamont explique tout cela dans son opus ‘’Le chiffre et le songe’’. En préface, cet auteur dénonce une évidence : l’erreur d’une première appréciation sur un état de toute mécanique établissant que tout mouvement (des corps sans précision de ceux-ci) est dû à une cause ; ce qui a empêché la naissance des états du machinisme alors que tout changement dû à une cause vraie devient le principe fondamental de la dynamique. Dès cet instant apparaît l’intervalle (un intermezzo) entre une situation issue d’un concept faux (une erreur) et la découverte d’une idée fondamentale devenue ‘’vérité scientifique’’. Il est intéressant d’analyser cet espace entre-deux. Le sociologue ou le psychologue ou encore les personnels de santé interrogent le travail du droit à agir et en dissèquent la logique des opérations discernant plutôt qu’un antique dualisme qui est celui de la relation du mieux-disant et de son interlocuteur, plus précisément lorsqu’il affine son regard réflexif-critique avec celui de la médiation ».
Karine BONNEVAL est une artiste visuelle française basée dans la région Centre-Val de Loire. Son travail se concentre sur l’altérité végétale et les interactions complexes et spécifiques qui lient l’humain et les plantes. Dans ses sculptures et installations, nous sommes plongés dans un monde de formes organiques à forte puissance fictionnelle où les hybridations de vocabulaire et de techniques vont de pair avec le mariage de l’art et de la science. Elle travaille en collaboration avec différentes équipes de scientifiques, pour essayer de trouver des traductions, imparfaites et poétiques, des façons d’interagir différemment avec les êtres non-humains. Ce que Baptiste Morizot, dans son récent livre « Manières d’être vivant« , appelle une « diplomatie inter-espèces ». Web: http://www.karinebonneval.com/ Eric BADEL est un chercheur INRAE de l’équipe MECA (BioMÉCAnique intégrative de l’arbre) de l’UMR PIAF (Physique et physiologie Intégratives de l’Arbre en environnement Fluctuant) dirigée par Bruno Moulia à Clermont Ferrand. Il s’agit d’une équipe interdisciplinaire de Bio-Mécanique Intégrative associant des biomécaniciens, des écophysiologistes et des physiologistes moléculaires. Ils étudient notamment le phénomène de mécanoperception des déformations et des inclinaisons induites par la gravité, le vent ou les manipulations. Les mécanismes physiques et biologiques impliqués sont analysés de l’échelle de la cellule à celle de l’architecture 3D complète de l’arbre, avec un fort souci d’intégration multi-échelle et un aller-retour constant entre expérimentation et modélisation. VERTIMUS est le nom donné à une série de pièces et d’installations réalisées par Karine Bonneval en binôme avec Eric Badel. Sous la forme d’un dialogue entre les deux protagonistes, il s’agit de tenter de décrypter comment se sont croisées les deux pratiques, et de montrer comment les analyses respectives se sont croisées dans un projet mêlant l’art et la science. « Comment une recherche en écophysiologie végétale peut-elle alimenter un projet artistique, et comment une recherche scientifique peut-elle être augmentée par les visites d’une artiste dans un laboratoire ? » Vertimus revient sur une collaboration, toujours en cours, entre une artiste visuelle et un chercheur en biomécanique de l’arbre. À partir d’un dialogue entre les deux acteurs de la collaboration, il est question des perceptions du végétal du monde qui l’entoure et des questionnement autour du partage possible de son temps et de ses sensations avec nous, humains, au travers d’installation d’art contemporain.