TRIANGULATION DE LA PERCEPTION : LE BIFACE ET L’OS DE SEICHE
Jean-Pierre DESTHUILLIERS est ingénieur en constructions aéronautiques, ancien élève de l’Institut de droit appliqué et poète. Il est également vice-président de l’association des AE de l’ENSICA et de l’Institut Européen de Développement Humain et a œuvré dans le domaine pédagogique en contribuant à développer des concepts originaux tels la sociodynamique, l’analyse situationnelle et les réseaux de co-activité. Sur le plan de l’écriture, éditorialiste, préfacier, éditeur, sociétaire des Poètes Français, il a notamment obtenu le prix Jacques Normand de la SGL en 1987 pour « Sculpteur d’eaux » et participe activement aux activités d’associations comme Le pont de l’épée ou La Jointée. Plus récemment, il a créé le site Adamantane, sous-titré littératures polychromes et écritures expérimentales où se déploient de nombreux pans de « poécriture » et de créativité. Il s’intéresse également à l’approche symbolique de la réalité spirituelle et anime dans ce sens des ateliers d’écriture poétique sur ‘l’architexture’. Dans cet article sur les bifaces et sur les symétries, Jean-Pierre Desthuilliers s’inscrit d’emblée dans notre démarche plastique, à savoir répondre en cascade à l’article de Michel de Caso « A propos de la symétrie des bifaces acheuléens » paru dans PLASTIR n°13 lui-même répondant à l’article original de Derek Hodgson décrivant les aspects neuropsychologiques de ces bifaces (PLASTIR n°12). Et que compare-t-il avec un fameux angle de 36°, sinon les « deux faces du même objet. Le biface acheuléen et l’os de seiche cauchois » ? En l’occurrence, les symétries qui ne sont que « des automorphismes de natures bien différentes » conduiront l’auteur à explorer de façon analogo-poétique les facettes croisées d’un Derek Hodgson sous les traits de Lewis Caroll et d’un De Caso tantôt géométricien, tantôt metteur en scène. De fait, si le corps du texte part d’une construction mentale surgie d’une superposition d’illustrations de De Caso, les questions de fond ne sont pour autant pas escamotées dans la mesure où la plasticité représentative du biface est analysée sous toutes ses coutures, où la rectoversion est symétrisée en versorection, où la géométrisation du réel devient une forme de connaissance et où l’effet miroir se réfléchit jusque dans l’esthétique du poème.
ETHIQUE ET MONDIALISATION : QUELQUES REFLEXIONS SUR LE MONDE ACTUEL
Juli Minoves TRIQUELL est diplomate, écrivain et homme politique Andorran. Il fut ministre des Affaires étrangères entre 2001 et 2007. Depuis 2007, il est Ministre du Développement économique, du Tourisme, de la Culture et des Universités de la principauté d’Andorre, et a exercé comme porte-parole du gouvernement. Économiste (Université de Fribourg) et politologue (Université Yale). Diplomate de profession, J.M. Minoves a exercé les fonctions d’ambassadeur auprès des Nations Unies, aux États-Unis d’Amérique, au Canada, en Espagne, au Royaume-Uni, en Finlande, en Suisse et auprès de l’OMC, avant sa nomination en tant que Ministre. Il est aussi président de l’Institut d’études juridiques, économiques et financières d’Andorre (JEF), de l’Institut d’études andorranes (IEA : Andorre, Toulouse et Barcelone), de la Société publique Andorra Tourisme SAU, de l’Orchestre national classique d’Andorre (ONCA), du Chœur national des Petits Chanteurs d’Andorre, et de la Scène nationale d’Andorre (ENA). Il a obtenu une licence en sciences économiques et sociales à l’université de Fribourg, Suisse, (1987-1991) et un MA, suivi d’un M. Phil. à l’université YALE, USA (1991-1994) en sciences politiques dans les domaines de Politique comparée, Philosophie politique et Politique économique. Parmi ses publications et recherches se trouvent : « La science économique et la morale », CRESUF, Fribourg CH (1996), une entrée à l’Encyclopedia of Democratic Thought, Routledge, London-NewYork : article sur les Monarchies Constitutionnelles (2001), plusieurs publications sur des sujets relevant des Affaires Étrangères et des Droits de l’Homme de 2000 à 2008 et un ouvrage récemment publié « The World Economic Crisis », Vancouver, Liberal International (2009), dont est tiré cet entretien. Il est aussi auteur d’un roman « Segles de Memoria » qui a reçu le prix Fiter et Rossell en 1989, et d’un recueil d’histoires courtes qui a reçu le prix Sant Carles Borromeu en 1991, et détient un Diplôme d’état de musique et piano du Liceu à Barcelone. En 1997, il a reçu la Grande Croix de l’Ordre National du Mérite du Portugal. Enfin, il vient d’être nommé Grand officier (1ère classe) de l’ordre de l’étoile de la solidarité italienne par le Président de la République Italienne (2009). Ilke Angela Marechal, écrivain, poète et traductrice, s’occupe de l’interaction entre science, art et connaissance. Une cinquantaine d’entretiens radiophoniques de son émission Epectase, sur Aligre FM–Paris, sont déjà disponibles sur le web. Elle a organisé des évènements culturels sciences-arts, notamment à Paris à la Fondation Dosne-Thiers, appartenant à l’Institut de France et au Palais de la découverte. Elle est auteur de « Sciences et Imaginaire » (Albin Michel, Cité des sciences et le l’industrie 1994) et de nombreux entretiens, articles et travaux poétiques en revues. Sa passion pour la psychologie jungienne et le phénomène de la synchronicité lui a valu le privilège d’être la traductrice de Marie-Louise von Franz pour son ouvrage de référence « Matière et Psyché » (Albin Michel et Le Grand Livre du Mois 2002). Résidant maintenant dans la Principauté d’Andorre et fidèle à la tradition et richesse en multilinguisme de ce pays, ainsi qu’à sa propre inclination, elle y a fondé les éditions AnimaViva multilingue. Pour PLASTIR, elle s’entretient ici avec Juli Minoves Triquell sur quelques unes des raisons profondes de la crise qui s’est développée dernièrement dans pratiquement tous les domaines de notre quotidien. A travers des notions comme la liberté, la responsabilité, la morale, l’éthique, nous sommes amenés vers le concept de Stewardship, dont Juli Minoves Triquell se fait le porte parole en nous conduisant à une réflexion sur une possible réconciliation entre le Droit de la Nature et les apports des Lumières. Evolution grâce à la plasticité de l’homme et de la société. Adaptation grâce à la survie ; capacité de création grâce aux crises ; réconciliation des opposés. De nombreux sujets sont soulevés, sans trouver toujours de solutions. Le lecteur s’y trouve sollicité. Le cerveau du monde, à travers nous tous, doit inventer des réponses.
Jean-pierre LUMINET et Elisa BRUNE nous offrent les bonnes feuilles d’un ouvrage du même nom qu’ils viennent de publier aux éditions Odile Jacob (2009). Ce texte débute par une citation qui en dit long : « Au pays des galaxies, les fourmis sont aveugles ». Elle situe clairement le gouffre technologique qui nous sépare de Ptolémée et Copernic, les découvertes faramineuses qui ont eu lieu depuis et en même temps cette insatiable interrogation devant l’univers comme berceau de l’humanité. Jean-pierre Luminet et Elisa Brune ne se contentent cependant pas de poser les éternelles questions métaphysiques que nous nous posons tous face à l’immensité, mais nous donnent des éléments de réponse au travers de deux approches : des faits précis [chute en 1968 de la météorite Allende au Mexique qui a l’âge du système solaire (4566 milliards d’années), menace de chutes d’astéroïdes sur Terre possiblement liée à l’extinction massive de certaines espèces vivantes il y a 65 millions d’années, etc..] et des hypothèses d’école [les conditions de prouver l’existence d’êtres vivants exoterriens sont réunies : il suffit d’analyser le rayonnement issu de leurs planètes; les galaxies ne sont pas réparties au hasard mais en superamas, des messages ont été envoyés et mettront environ 25000 ans à arriver en direction de certains de ces amas]. Ainsi, de trous noirs en trous noirs, si on peut oser cette métaphore futuriste, ce sont des milliers d’univers vierges que l’on pourrait découvrir un jour. Dans ce cas de figure, une seule attitude à tenir : « écoutons ce que l’espace nous dit ».
Les auteurs : est-il encore utile de présenter Jean-Pierre Luminet, astrophysicien à l’Observatoire de Paris-Meudon, directeur de recherche au CNRS, connu pour ses travaux sur les trous noirs et sur les univers chiffonnés, mais également essayiste, romancier et poète comme on a eu la primeur de le découvrir dans PLASTIR n°3 ? Il a signé de nombreux ouvrages de culture scientifique traduits dans plus d’une dizaine de langues dont « L’univers chiffonné » (2001) et « Le destin de l’univers » (2006) chez Fayard, des romans dont le dernier s’intitule « L’œil de Galilée » J-C Lattès (2009), de la poésie avec l’anthologie « Les poètes et l’univers » (1996) et « Itinéraire céleste » au Cherche-Midi en 2004. Il a également publié de nombreux essais dans les champs croisés de la cosmologie, des sciences, des arts, de l’épistémologie sans discontinuité incarnant parfaitement l’image du plasticien au sens où nous la définissons. Elisa Brune est quant à elle docteur en économie de l’environnement, journaliste scientifique (La Recherche, Ciel & Espace…) et surtout romancière de renom. Parmi ses œuvres, on peut citer : « La tentation d’Edouard » (Belfond, 2003), « Fissures » (L’Harmattan, 1996), « La tournante » (J’ai lu, 2003), « Relations d’incertitudes » (Ramsay, 2004), « Un homme est une rose » (Ramsay, 2005) ou encore « Le quark, le neurone et le psychanalyste », (Le Pommier, 2006).
DE LA SOUFFRANCE À LA JOIE : A PROPOS DE L’ESTHETIQUE DE NIETZSCHE
Olivia BIANCHI est philosophe, chargé de cours à l’Université Paris 7 Denis Diderot et écrivain. Après des études de philosophie à l’Université Paris I et d’histoire de l’art à l’École du Louvre, elle s’engage en 1998 dans un travail doctoral sur l’esthétique de Hegel, intitulé « Hegel et la peinture » qui sera publié chez L’Harmattan en 2003 dans la collection « L’Ouverture philosophique ». Outre une série d’articles dont la plupart sont consacrés à l’esthétique de Hegel, elle publiera « La Haine du pauvre » en 2005 chez ce même éditeur et prépare actuellement un nouvel essai intitulé « Le rire. De l’esthétique à l’éthique ». Dans cet article, elle met en exergue l’importance du concept de plasticité, non pas dans l’approche hégélienne, mais sur le plan de l’esthétique nietzschéenne. On s’en aperçoit très vite du reste, dès l’abord de la conception de l’art selon Nietzsche; une conception centrée sur la notion de beauté, de puissance ou de domination et de plaisir; une conception aussi fondée sur la résistance à ces pulsions et l’extension de la notion de souffrance de l’individu à l’espèce humaine. Cette question, ce lien entre beauté et souffrance d’un peuple est parfaitement illustré par la tragédie grecque comme nous l’indique l’auteur « Être tragique, c’est à l’inverse affirmer la brutalité de l’existence, c’est consentir à vivre sans retenue, sans économie » tout en nous mettant en garde contre les mésinterprétations liées aux répétitions ‘du hasard’ à propos de l’histoire de la souffrance ‘non empreinte de beauté’ du peuple hébraïque prophétisée par Nietzsche lui-même: « il y aura des guerres comme il n’y en a encore jamais eu sur terre. Ce n’est qu’à partir de moi qu’il y a sur terre une grande politique ». Plus généralement, Nietzsche a toujours lié esthétiquement et plastiquement art et souffrance, en jouxtant la métaphysique puisqu’il s’agit essentiellement, selon Olivia Bianchi, de « l’art de justifier l’existence du monde comme ‘phénomène esthétique’ ». Et ce, en distinguant clairement la beauté des faibles et des forts, l’humain du surhumain et surtout les arts apolliniens des arts dionysiaques qui illustrent l’ivresse au plus haut degré, sa nature extatique, « sa puissance de transfiguration ». Message à méditer au regard des méandres de la définition même de créativité, de ses chemins tortueux, de son abord contemporain, de son éthique et de sa puissance, désormais cyberpoétique.