CARL FRIEDRICH VON WEIZSÄCKER, GRAND PENSEUR DE LA GLOBALITÉ
Ilke Angela MARECHAL, écrivain, journaliste et traductrice se situe aux frontières entre science, art et connaissance (voir PLASTIR n°5). Elle a produit une série d’entretiens radiophoniques passionnants dans l’émission Epectase sur Aligre FM qui commencent à être retransmis sur son blog Art & Science et elle a organisé de nombreux évènements culturels dans ce champ. En tant qu’auteur, elle a publié « Sciences et Imaginaire » (Albin Michel, 1994) et traduit des ouvrages de référence tels celui de Marie-Louise von Franz » Matière et Psyché » (Albin Michel, 2002). Elle a récemment fondé les éditions multilingues AnimaViva et prépare une traduction ainsi qu’un essai sur une partie de l’œuvre immense du physicien Carl Friedrich von Weizsäcker qu’elle a interviewé à de nombreuses reprises. Elle nous en livre un aperçu en exclusivité pour Plastir ! Carl Friedrich von Weizsäcker (1912-2007) est en effet un éminent spécialiste de physique théorique et nucléaire, mais également un philosophe allemand qui chercha, sa vie durant, à penser « philosophiquement » cette nouvelle « Weltanschauung » issue de la révolution de la physique quantique à laquelle il participa directement; ceci dans le seul but de décrire l’entièreté et l’Unité de la Nature. Pour ce faire, il devra plonger aux racines des sciences, des philosophies et des spiritualités. Ami et élève de W. Heisenberg et de N. Bohr, il cherchera à conceptualiser avec hardiesse l’interprétation dite de Copenhague, construisant ainsi sa propre « Hypothèse de la Théorie des Ure ». Bien qu’il fit partie du groupe de scientifiques chargé de mettre au point la bombe atomique pendant la deuxième guerre mondiale, il fut sollicité, grâce à sa réputation d’artisan inlassable de la Paix, à se présenter à la fonction de Président de la République fédérale dans les années soixante (ce qu’il refusa). En revanche, il acceptera la tâche de préparer un « Concile pour la Paix » réunissant toutes les églises (une sorte d’Avant-Assise). Il lui sera discerné la plus haute distinction en matière de religion : le prix Templeton. Quant au monde éminemment concret, il acceptera en particulier la direction de l’Institut Max Plank pour la recherche sur les conditions de vie dans le monde moderne pendant une dizaine d’années. Introspection, réflexion et action étaient chez lui inséparables.
Régine DETAMBEL est écrivain, poète, essayiste, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, parmi lesquels Le Jardin clos (1994), La Verrière (1996), Pandémonium (2006), romans parus chez Gallimard, ou encore Petit éloge de la peau (Folio, 2007). Elle a publié en début d’année Notre-Dame des Sept Douleurs chez Gallimard et un essai intitulé Le Syndrome de Diogène, éloge des vieillesses chez Actes Sud. Son œuvre étant habitée par la plastique des corps (livres précités, essai publié chez J-M place en 2007 sur « le poète épithélial » Bernard Noël, essai « Tremblement d’écrire » à paraître chez Acte Sud en 2009), elle nous livre pour Plastir un texte très original sur les « verbo-moteurs » ou sur ce qui meut « le corps de l’auteur, l’auteur marcheur (Nietzsche), l’auteur malade (Queneau, Bernhard, Michaux), l’auteur ivre ou drogué, mais toujours le corps de l’auteur écrivant et non pas sa main, sa tête (Mallarmé, Guyotat) ». Elle introduit par ce biais une métrique poétique, un rapport sensoriel direct entre le pied des écrivains-marcheurs articulé par les axones les plus lointains de l’ordre intimé par leur haute conscience et cette foulée magique qui accouche de textes dynamiques, projetant en avant. Ainsi son propre travail d’écriture qu’elle introduit de la sorte dans un article publié le 11 Janvier 2008 dans le Monde des Livres : « A la main ou à la machine ? Clavier ou papier ? Le matin ou le soir ? » Personne encore ne m’a demandé si je travaillais plutôt accroupie ou couchée sur le flanc, ou encore dressée sur le trépied formé de mes épaules et de ma nuque, tête en bas et mollets croisés, comme un yogi. Depuis l’expérience du pupitre scolaire, tous semblent convaincus qu’on ne peut penser et écrire qu’assis. On ne tient guère compte du corps de l’auteur, ramené à la posture de l’élève avachi. Pourtant Nietzsche et Giono étaient des marcheurs et non des attablés. Ils entretenaient un foyer de mouvement dans la région des jambes ». Pour en savoir plus : http://www.detambel.com
PHILOSOPHIE & SOCIÉTÉ : ENJEUX ÉTHIQUES
Mariana THIERIOT LOISEL, philosophe, Ubiràtan D’AMBROSIO professeur émérite de mathématiques & Marc-Williams DEBONO, neurobiologiste vous présentent un second essai écrit en commun après celui paru dans Plastir n°8. Cet essai met l’accent sur la problématisation du savoir transmis par les philosophes, les pédagogues et les enseignants. Comment relier efficacement les savoirs ? Comment ne pas assimiler métaphoriquement les champs disciplinaires à des cages dont on ne pourrait s’échapper que par le biais d’une translation (D’ambrosio) ? Translation textuelle à l’image du tertium ou du degré zéro de Barthes; translation créative à l’image des sculptures de Giacometti qui selon ses propres dires sont la représentation d’autre chose qu’elles-mêmes, l’objet même du savoir; translation disciplinaire appelant un tiers inclus selon Camus et Nicolescu; translation maïeutique enfin où l’altérité joue le rôle d’accoucheur du poète en perdition. D’autres alternatives existent pour éviter le piège du monologue ou de l’enfermement. Etablir un rapport négatif au pouvoir (idiorythmie de Barthes), favoriser la co-émergence du savoir ou encore le discernement naturel de la pensée (Hannah Arendt), l’essence du discours et son double (Derrida). Toutes ces portes de sortie indiquent la prévalence du dialogue et la nécessité d’un véritable contrat de nature pédagogique (Thieriot). Un contrat qui n’oppose pas philosophes et pédagogues, mais veut « développer l’art de poser des énigmes, de circonscrire le mystère, d’érotiser la connaissance » selon la tentative subversive de Philippe Meirieu. Un contrat qui veut dialectiser dans le sens d’un exorcisme et voir les métamorphoses du sujet comme des objets du savoir s’opérer. Ce n’est qu’à ce prix qu’un autre cap peut voit le jour selon Derrida, un cap où la société pourra vivre le contrat pédagogique plutôt que de s’engoncer dans ces paradoxes et de consommer à outrance la fracture sociale (Filloux). Un contrat, non pas moraliste, mais faisant sienne les prérogatives du sujet en l’incluant naturellement dans la plasticité du monde (Debono), en ouvrant des entre-deux-voies singulières où il acquiert les savoirs en s’automodelant, en co-naissant, en liant de façon inextricable ses affects au projet commun de l’humanité dont les enjeux éthiques demeurent cruciaux pour notre avenir.
HENRI BOSCO, CONTEUR « DE PROVENCE ET DU MONDE »
Roger BUIS est professeur émérite en biomathématiques de l’université de Toulouse et membre fidèle de PSA. L’article qu’il nous propose fait suite à une premier essai sur le conteur Henri Bosco paru dans PLASTIR n°2 où il nous traçait les grandes orientations littéraires du poète provençal au travers d’œuvres comme Malicroix ou le Mas Théotime. Il nous présente ici un second volet de la biographie de Bosco et de ces deux œuvres sous un angle plus intimiste, presque psychanalytique où on suit l’histoire des personnages qui se cherchent à la fois dans l’introspection et dans le regard que Bosco porte sur « les âmes et sur le monde ». Roger Buis nous fait ainsi découvrir un Bosco encore méconnu qui dépasse de loin les frontières provençales et nous fait pénétrer les arcanes de l’écriture au travers du conte. Conte qui tisse un lien indissoluble entre le poète et nous, qui tient du rêve éveillé et du symbolisme des grands archétypes de notre imaginaire existant entre l’écrivain Henri Bosco et le philosophe des sciences Gaston Bachelard (l’homme du poème et du théorème) » dixit l’auteur. Pour en savoir plus : http://henribosco.free.fr