Plastir n°42 – 06/2016

LA DÉCHIRURE DE L’ESPACE ET LA NAISSANCE DU SUJET   – SELON C.G. JUNG & W. PAULI  ↵

Bruno TRAVERSI est chercheur associé au TEC (Techniques et Enjeux du Corps) de l’Université Paris-Descartes, docteur en philosophie de l’Université Paris-Ouest Nanterre – thèse sous la direction de Jean-François Balaudé : « La danse comme spontanéité – hypothèse d’une structure du mouvement » et diplômé du centre mondial de l’aikidô au Japon – Aikikai de Tokyo. Il vient de publier « Le corps inconscient et l’Âme du monde selon C.G. Jung et W. Pauli » dans la collection Ouverture Philosophique des éditions l’Harmattan (2016). C’est donc tout naturellement qu’il aborde avec brio ce sujet dans l’essai qu’il nous propose pour PLASTIR en nous résumant son approche comme suit: « Carl Gustav Jung et Wolfgang Pauli collaborent pendant un quart de siècle autour du rapport entre la sphère physique et la sphère psychique. Leur exploration conjointe du « problème psychophysique » les conduit à admettre l’existence d’un arrière-plan au monde phénoménal, arrière-plan « mi-physique mi-psychique ». Ce modèle, qu’ils établissent à l’aune de la physique et de la psychologie modernes, remet en question la représentation que nous nous faisons de l’inscription de l’homme dans son milieu. Il suppose, en effet, que l’existence de l’homme, sa présence et son agir en ce monde, s’enracine dans ce plan antérieur où ne vaut ni la flèche du temps ni l’espace comme étendue, ni non plus la séparation entre moi et autrui ou encore la causalité. Sa présence et sa structure transparaissent notamment à l’occasion de certains états psychologiques lors desquels, le moi étant mis hors circuit, les couches primaires de la psyché peuvent se révéler, comme dans certains rêves de Pauli, ou encore lors de danses extatiques. La danse Kagura Mai, danse extatique de type mandala, que nous avons étudiée en atelier pendant dix ans, témoigne de l’existence de ce plan antérieur et de son influence dans le geste. Il nous semble ainsi constituer la substructure commune au sujet et au monde, comme un espace originel unique dont l’espace intime (du moi) et l’espace mondain (du non-moi), dans leur dichotomie, seraient les reflets opposés. » Il en va ici d’une ouverture profonde touchant autant cette praxis et cette philosophie qu’une chorégraphie intime. Nous entendons par là ce point nodal où la plasticité des corps offre le moins de résistance à celle de l’esprit, où l’entre-deux de Jung et Pauli fait écho aux approches neurophénoménologiques ou mésologiques décrivant l’indissociabilité de l’entité corps-esprit-monde. Entrons dans la danse !

LA  CRÉATIVITÉ, ENFER CÉRÉBRAL. – DE L’INFINI POSSIBLE AU PÉRIMÈTRE CÉRÉBRAL FINI CHEZ LES ARTISTES ↵

Bernard TROUDE est docteur en Sciences de l’Art de Université Paris I et chercheur dans plusieurs laboratoires de l’université de la Sorbonne Descartes Paris V : Sociologie compréhensive CEAQ (Centre d’Études sur l’Actuel et le Quotidien), Laboratoire européen d’éthique, Neurosciences et sciences cognitives, Sciences des fins de vie. Il est également ingénieur généraliste, professeur en sciences du Design et Esthétique industrielle, co-directeur de « Re-penser l’ordinaire », philosophe, plasticien et contributeur de nombreuses revues telles Plastir, Ganymède, Cahiers de l’idiotie (Montréal), Cahiers européens de l’imaginaire, Arts et Sciences ou encore Ethic, Medecine & Public Health. Il se réfère dans cet essai à la citation de référence de Leroi-Gourhan: « (…) La pensée scientifique est plutôt gênée par la nécessité de s’étirer dans la filière typographique et il est certain que si quelque procédé permettait de présenter les livres de telle sorte que la matière des différents chapitres s’offre simultanément sous toutes ses incidences, les auteurs et leurs usagers y trouveraient un avantage considérable. (…) » L’être humain, combiné biologique aux dispositifs complexes se pose continuellement des questions sur les plurivers finis ou infinis qui l’entourent dont les périphéries de ses possibilités, limites finies ou infinies. Périmètre fini et infini sont compris dorénavant dans la géométrie permettant de modéliser les éléments naturels par des figures géométriques. Nous avons à comprendre qu’une nécessité de passer par l’écriture et la filière typographique imprimée sur papier est difficile à se maintenir. Nos sens cognitifs vont faire se mêler toutes les dépendances pour les enregistrements des possibles résultats, des prémonitions sur les incidences des raisonnements. Des schématisations permettent simplement d’aller vite, très vite pour sauter de l’intuition à l’intention puis à la réalisation, en réduisant de façon importante cet espace temps cérébral de la chaîne de conception, les auteurs accèdent à cette possibilité de dessiner, redessiner, les types de représentation estimant ceux les mieux adaptées. Avant de démontrer l’existence de différents types d’infinis (in-fini ou infinités), il faudra nous pencher sur la notion de dimensions: considérer des ensembles de figures ou représentations.

CERVANTÈS : LA FICTION DON QUICHOTTE (de 1605) –  RETOUR AU SIÈCLE D’OR ESPAGNOL ↵

Claude BERNIOLLES est un fin littérateur. Diplômé en droit, il est à la fois poète, philosophe et essayiste, approfondissant volontiers les travaux de Bonnefoy, d’Anatole France, de Barthes ou de Wittgenstein (PLASTIR n° 20, 23, 25, 27, 39). Dans ce numéro, il parle dans son avant propos d’une lecture « historisante » du Don Quichotte (de 1605) de Cervantès. C’est en effet ce type d’approche de l’œuvre, illustrée de nombreuses citations (s’appuyant sur la traduction de l’éminent cervantiste Jean-Raymond Fanlo), que l’auteur a voulu privilégier, et non celle « anachronique » adoptée par certains critiques actuels (courant critique sans doute à la mode, mais qui souvent – comme montré dans l’exergue – préfère justifier « sa » méthode, plutôt qu’éclairer l’œuvre). Cela nous permet de mieux pénétrer l’oeuvre et sa génèse. Cet article qui n’intéresse qu’une partie du texte de Cervantès, sera prolongé ultérieurement d’un autre article, de manière à « couvrir » l’ensemble du Don Quichotte de 1605. Nos lecteurs le découvriront avec plaisir dans un futur numéro de PLASTIR.

L’HOMMAGE À MARCEL MARIËN POUR COMMENCER…   – TRAVERSER LES GENRES ↵

LORRAINE ALEXANDRE est docteur en art et sciences de l’art, mention arts plastiques, artiste plasticienne et chercheuse en art. Spécialisée en photographie performative et dessin, elle interroge l’identité à travers les différentes mises en scène du corps. Elle expose régulièrement, on la retrouvera notamment en novembre dans le cadre du festival SI(NON)OUI (CC91). En tant que chercheuse, elle publie dans de nombreux ouvrages universitaires collectifs. Elle est l’auteure de Les Enjeux du portrait en art – Étude des rapports modèle, portraitiste, spectateur (L’Harmattan, 2011). Elle nous présente ici pour PLASTIR une réflexion s’appuyant sur l’expérience d’un travail de photographie performative intitulé Hommage à Marcel Mariën pour commencer... qui se réfère à l’œuvre Muette et aveugle (1940) du Surréaliste Marcel Mariën représentant une femme nue de dos sur la peau de laquelle il a écrit : « Muette et aveugle me voici habillée des pensées que tu me prêtes ». La première image de la série est une citation plastique de cette œuvre où la femme est remplacée par la Drag Queen Aakasha. Les dix photos suivantes égrènent des dessins épinglés sur un tissu blanc que le modèle tend devant son torse. Ces dessins représentent les préjugés justes ou faux associés aux Drags. Cette série est représentative de la logique de la strate et du cumul propre à la création de l’artiste où le terme « genre » est polysémique. Les genres masculin, féminin, artistique, culturel… se rencontrent dans ses photographies performatives. Le fil conducteur du texte que Lorraine Alexandre se propose de développer suit les voiles qui en forment la structure plastique et conceptuelle : une structure qui s’ouvre ici  sur la notion de « Trans », la plus à même de montrer la nature transversale du sujet abordé comme du travail de recherche de l’artiste plasticienne :

  • Trans-média  : En tant que plasticienne, je joue de l’association des techniques. L’Hommage à Marcel Mariën pour commencer… est un exemple symptomatique de mon travail artistique en cumulant dessin, photographie et performance. Nous verrons en quoi cela me permet de trouver ma place dans l’héritage des recherches exécutées par les performeurs et les artistes de l’art corporel qui ont été déterminantes dans la reconnaissance de la photographie comme art.
  • Trans-arts: Au-delà des différents arts plastiques utilisés, ma pratique invite régulièrement les artistes du spectacle à jouer le rôle de modèles. J’utilise également l’écriture. Nous verrons les enjeux soulevés notamment par le concept juridique d’œuvre dérivée.
  • Trans-genre: Le cas des Drag Queens est intéressant car il s’agit non seulement d’une construction identitaire mais aussi artistique et conceptuelle qui se fait hyperbole des codes de genre dont la Drag souligne la nature performative. Nous verrons que les genres forment un discours qui prend forme sur le corps.
  • Trans-sciences (humaines): En tant qu’artiste chercheuse, je sollicite très régulièrement l’ensemble des sciences humaines, me nourrissant des connaissances acquises par la psychanalyse, la sociologie et l’anthropologie. Il est intéressant d’expliquer l’usage que je peux faire de ces sciences pour en comprendre la nature, les enjeux et les limites.

 

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